État d'urgence sanitaire: la Défenseure des droits alerte contre "une atteinte disproportionnée aux libertés"

Claire Hédon s'inquiète de mesures sanitaires qui “viennent considérablement limiter l’exercice des droits et libertés" fondamentales.

POLITIQUE - La fronde ne vient pas que de Marseille. La Défenseure des droits Claire Hédon a mis en garde les députés contre le risque d’“atteinte disproportionnée” aux droits et libertés que présente le projet de loi prolongeant de six mois les restrictions de rassemblement et de déplacement imposées par l’épidémie de coronavirus.

Ce texte, bientôt examiné à l’Assemblée nationale, prévoit une prorogation jusqu’au 1er avril 2021 du “régime transitoire” institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire le 9 juillet pour limiter la propagation du Covid-19.

Il “se différencie peu de l’état d’urgence sanitaire décrété en mars 2020” et sa prorogation “présente le risque de banaliser et de pérenniser le recours à un régime d’exception” censé être temporaire, avertit la Défenseure dans un courrier au président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand et à deux autres députés consulté par l’AFP.

Prévisibilité, la nécessité et la proportionnalité

Les mesures sanitaires “viennent considérablement limiter l’exercice des droits et libertés tels que la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, le droit au respect de la vie privée et familiale”, avec des conséquences encore plus lourdes pour les personnes âgées en Ehpad, les détenus ou les plus précaires, rappelle la Défenseure des droits.

“Si elles peuvent être légitimes au regard de la crise sanitaire actuelle”, ces restrictions doivent toutefois répondre à “un certain nombre d’exigences fondamentales” comme “la prévisibilité, la nécessité et la proportionnalité”, ajoute Claire Hédon.

La loi doit être “claire et précise” pour éviter d’éventuels “abus” ou encore “atteintes au principe d’égalité de traitement”, selon la Défenseure, qui appelle les députés à “renforcer le contrôle parlementaire”.

Et Claire Hédon de faire un parallèle avec l’état d’urgence sécuritaire: “Cette situation n’est pas sans rappeler les prorogations successives de l’état d’urgence sécuritaire entre 2015 et 2017, qui ont conduit à l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 qui a intégré des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun.

La colère à Marseille

Des inquiétudes que la nouvelle Défenseure des droits partage avec son prédécesseur. Jacques Toubon doutait même, dans une interview au HuffPost en juin dernier au moment de quitter son mandat, de l’utilité d’un état d’urgence sanitaire. 

“Beaucoup de gens l’ont dit, il existait déjà, dans le code de la santé publique, notamment depuis 2009, des dispositions qui auraient pu permettre de prendre les mesures nécessaires sans État d’urgence. L’opportunité a fait que cela a été choisi par le gouvernement, comme il a été choisi pour lutter contre le terrorisme”, constatait l’ancien ministre, en ajoutant: “La question est donc, est-ce que ces restrictions de liberté répondent aux quatre critères qui sont nécessaires si on ne veut pas porter atteinte à l’État de droit? Nécessité, proportionnalité, exceptionnalité et caractère temporaire.”

Face au rebond de l’épidémie dans le sud-est et les Antilles, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé mercredi des mesures très strictes comme la fermeture des bars, restaurants et autres établissements ouverts au public à partir de samedi dans ces régions. Ces mesures suscitent l’incompréhension et la colère chez de nombreux habitants, responsables économiques et élus.