Coronavirus. Marie-George Buffet : « Il ne faut pas sous-estimer tout ce que les enfants ont vécu »

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« Mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et les jeunes. » Tel est le but de la commission d’enquête parlementaire qui ouvre ce jeudi ses travaux. Entretien avec sa rapporteure, la députée PCF Marie-George Buffet.

Pourquoi avoir lancé cette commission ?

Marie-George Buffet Dès la fin du confinement, des pédopsychiatres, des enseignants et des médecins généralistes nous ont alertés sur les conséquences psychologiques, sanitaires, scolaires et sociales de la crise du Covid-19 sur les enfants. Or, ces questions ne sont pas particulièrement traitées par la commission d’enquête déjà en place à l’Assemblée. Il y a un angle mort. Notre objectif est donc de poser un diagnostic sur l’ensemble des impacts du coronavirus sur les enfants et les jeunes, et de proposer des mesures d’urgence et des solutions pérennes pour y répondre.

On pense bien sûr aux conséquences pédagogiques et scolaires… Cet enjeu est-il assez pris en compte ?

Marie-George Buffet Absolument pas. L’ancien premier ministre Édouard Philippe a parlé d’un risque de bombe à retardement pédagogique. Mais quel a été le taux de recrutement dans l’éducation nationale pour permettre de rattraper les situations de décrochage ? Il n’y a pas eu d’effort pour renforcer l’encadrement et s’adapter aux besoins. Des élèves arrivent en 6e sans avoir fini le CM2, ou en 2de alors qu’ils n’ont pas terminé la 3e. Les enseignants vont devoir transmettre le programme de l’année en plus de rattraper le précédent. Le défi est énorme et il aurait fallu mettre en place un dispositif exceptionnel en dédoublant des classes. J’ajoute que l’école est obligatoire. Si nous devons de nouveau fermer des classes, par quels moyens s’assure-t-on de l’efficacité de l’enseignement ? Comment garantir l’accès de chaque enfant au matériel informatique indispensable pour suivre les cours ? Avant la crise, on ne pouvait déjà pas laisser l’école dans l’état où elle était. C’est encore plus urgent aujourd’hui.

 

Quelles sont les remontées en termes d’équilibre émotionnel des enfants ?

Marie-George Buffet Il ne faut pas sous-estimer tout ce que les enfants ont vécu, vu et entendu. Il y a ceux qui ont été confrontés à des deuils familiaux, au stress de leurs parents et à un climat anxiogène avec les chaînes d’information parfois branchées en continu. Avez-vous vu ces images de cour de récréation où des enfants restent isolés dans des cercles ? Tout ce qui fait l’enfant, c’est la découverte, la curiosité, le besoin de toucher, d’aller vers l’autre… Nous devons veiller à éviter tout traumatisme et tout repli sur soi, sans laisser personne sur le bas de la route. Or, nous avons un déficit cruel en médecins et psychologues scolaires. Il y en a qui ont plus de 75 ans et qui font des vacations faute d’effectifs ! Nous savons aussi que les violences parentales ont pu augmenter pendant le confinement, et que l’école n’a alors pas pu jouer son rôle d’alerte. Sans parler de toutes les familles, vivant dans des endroits exigus ou non, où des tensions ont pu apparaître. Il faut aider l’enfant à en parler, pour qu’il trouve son équilibre.

La crise a aussi un impact sur l’équilibre alimentaire et l’accès à la nourriture…

Marie-George Buffet Les files devant les Restos du cœur et le Secours populaire français ont augmenté pendant le confinement. Des familles en situation de précarité et des étudiants avec la fermeture des restaurants universitaires ont dû se tourner vers des associations caritatives. On le sait, dans les familles les plus démunies, les repas à la cantine sont non seulement garants d’une alimentation équilibrée mais parfois aussi d’une alimentation tout court. Il y a aussi la question de l’obésité et du diabète, qui touchent les plus précaires et augmentent les surmortalités. Certes, les enfants sont peu menacés par une contamination par le Covid-19, mais des problèmes de santé sont apparus avec le confinement avec un accès plus compliqué au sport, des retards dans le suivi des vaccinations et des aggravations en cas de maladies chroniques. J’ajoute au sujet des activités sportives qu’il n’y a plus de ministère des Sports et que cette question est la grande oubliée du plan de relance. Il faut aider les clubs amateurs, car le sport aide à la santé et à l’épanouissement des enfants. Notre idée est ainsi de marquer tout ce qui n’a pas fonctionné pendant la crise, pour y remédier et prévenir en cas de récidive. Cela vaut aussi pour l’université, où les réponses sont loin d’être suffisantes.