Dans le 93, le COVID-19 est un miroir des inégalitrés sociales et territoriales - Tribune des député.e.s PCF et France Insoumise du 93

"Notre société n’a pas changé de regard sur la Seine-Saint-Denis et nous payons cher des décennies de rupture d’égalité. La crise sanitaire que nous traversons révèle les inégalités sociales et territoriales. Quant à l’engorgement déjà constaté des hôpitaux, malgré le formidable engagement du personnel soignant, il braque une lumière tragique sur l’importance de nos alertes répétées.

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La population de notre département a régulièrement été pointée du doigt pour sa supposée « négligence » dans l’application des mesures de distanciation sociale. Les plus riches qui ont fui l’Ile-de-France pour rejoindre leur résidence secondaire n’écopent pas d’amende pour manque de vigilance dans la propagation du virus mais les jeunes des quartiers populaires qui ont mis quelques jours avant de rester confinés chez eux et de ne plus jouer dehors n’ont pas échappé aux amendes. Contrairement aux idées reçues, les habitants de la Seine-Saint-Denis respectent, comme les autres, la discipline de confinement. Le Préfet lui-même l’a rappelé. Nous regrettons que des reportages pointent du doigt les populations du 93 comme, décidément, incapables de respecter les règles de la République, alors même que c’est la République qui ne tient pas sa promesse d’égalité…

Les quartiers populaires ne sont pas à égalité de situation devant le confinement. La surpopulation de nombreux logements, quand ces derniers ne sont pas carrément insalubres, rend l’expérience particulièrement éprouvante pour des milliers de familles. Combien de personnes âgées se sont-elles déjà retrouvées confinées chez elles à cause des pannes récurrentes d’ascenseurs ? Quant au télétravail, il n’est pas la norme dans le département le plus pauvre de la métropole. Aides-soignantes, caissières, éboueurs, livreurs, femmes de ménage, ouvriers, sont appelés à tenir bon et à poursuivre leur activité, au risque d’attraper le virus et de contaminer leurs proches. Les images du quai bondé du RER B cette semaine donne à voir cette réalité et une dangereuse promiscuité. C'est ainsi qu'est décédée jeudi dernier Aicha Issadounène, 52 ans, employée et syndicaliste dans un Carrefour de Saint-Denis. Protéger celles et ceux qui travaillent pour assurer l’indispensable et cesser toutes les activités non essentielles est absolument vital, notamment pour les populations de notre territoire.

La fracture éducative, nourrie par celle du numérique, va quant à elle laisser des milliers de jeunes sur le carreau. Et concernant les structures de soin, certains redécouvrent combien elles sont dramatiquement sous-armées : le département compte trois fois moins de lits en réanimation que les Hauts-de-Seine, et 37 villes sur 40 sont déclarées déserts médicaux par l’ARS.

Face à la crise sanitaire, le désengagement massif de l’État depuis des décennies nous saute à la gorge. Loin d’être le « territoire perdu » que certains fantasment de l’autre côté du périphérique, le département de la Seine-Saint-Denis prend aujourd’hui plus que sa part dans la lutte contre la pandémie. Ses habitants sont parmi les premiers à subir les effets de notre impréparation nationale Le Covid-19 amplifie aujourd'hui des inégalités territoriales déjà gonflées par des années de néolibéralisme et d’austérité. Les catégories populaires seront les premières menacées par la crise économique qui pointe, et la fermeture des services sociaux, des banques alimentaires, agrandit encore un peu plus le trou dans la raquette d’un maillage social qui permet pourtant à beaucoup de « tenir ».

Pour résister à la pandémie, la Seine-Saint-Denis a pour elle sa jeunesse, son dynamisme et la formidable solidarité qu’elle s’est forgée. Nous sommes impressionnées par l’énergie et la créativité qui se déploient pour assurer une solidarité. Les initiatives d'entraide se multiplient, portées par des citoyens qui ont grandi avec l’amère conviction qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes, puisque l’État et ses services publics ont déserté. Depuis des années, associations, citoyens, et élus, nous nous battons pour obtenir de l’État un plan d’urgence à la mesure des inégalités territoriales que nous éprouvons chaque jour.
Le département de la Seine-Saint-Denis, avec ses villes mondes et son formidable maillage associatif, ses fonctionnaires compétents et engagés, se révèle donc avec ses forces et ses fragilités, en tous cas très loin de la caricature violente à laquelle beaucoup voudraient le réduire. Nous tiendrons le choc, coûte que coûte, puisque nous n’en avons pas le choix. Mais dès maintenant, nous rappelons l’État à ses engagements. De l’hôpital à l’école, en passant par le logement, la pandémie agrandit des fractures sur lesquelles nous n'avons eu de cesse d'alerter, et qu'il devient chaque jour plus vital de colmater.

Entre le 21 et le 27 mars, les décès ont bondi de +63 % en Seine-Saint-Denis par rapport à la semaine précédente. Bien plus que dans les autres départements d’Ile-de-France. Il faut dire que non seulement les personnes qui travaillent, et donc restent exposés, sont plus nombreuses qu’ailleurs dans notre département mais les cas d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires, qui rendent plus fragiles face au Covid19, y sont également nettement plus nombreux qu’ailleurs. Les inégalités sociales et territoriales se trouvent imbriquées. Il faut conjurer le pire. Et pour cela, commencer à changer de regard pour basculer, tout de suite, dans le monde d’après, celui qui sera soucieux d’égalité et de justice sociale. Nous avons la conviction que pour penser les normes nouvelles d’une société refondée post-Covid19, la Seine-Saint-Denis est un point de repères universels et un atout dans la reconstruction.

Signatures des député.e.s de Seine-Saint-Denis:

  • Clémentine AUTAIN,
  • Marie-George BUFFET,
  • Éric COQUEREL,
  • Alexis CORBIÈRES,
  • Bastien LACHAUD,
  • Stéphane PEU,
  • Sabine RUBIN,