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La France de Macron (comme de ses prédécesseurs) est très fière de son statut de « première puissance militaire de l’Union européenne » et de leader potentiel de la Défense européenne. Aussi s’agit-il, pour le pouvoir, de ne pas perdre une occasion de faire valoir son « rang ». La crise turco-grecque nous en fournit une nouvelle illustration.
« Je ne suis pas pour l'escalade. Mais... ». La formule est du Président de la République dans « Paris Match » . Elle a trait à la stratégie à adopter vis-à-vis du dangereux foyer de tension en Méditerranée orientale. Le Chef de l’Etat répondait indirectement au porte-parole du gouvernement allemand (qui préside l’UE jusqu’à la fin de l’année) . Celui-ci, « prenant acte » de l'envoi sur place de deux navires de guerre français et de chasseurs Rafale, insistait sur la nécessité, aux yeux de Berlin, « d'éviter une nouvelle escalade ». De fait, loin de réduire les prétentions hégémoniques turques, la posture martiale du Président français galvanisa les nationalistes à Ankara. Nul doute que le ministre de la défense d'Erdogan, Hulusi Akar , recueillit un large soutien populaire en répliquant à Paris : « Le temps des caïds est révolu. Vous n'avez aucune chance d'obtenir quoique ce soit de nous en agissant de la sorte ».
Au fil des jours, le déploiement de forces hostiles dans la zone a pris des proportions de plus en plus inquiétantes. Le 22 août, Athènes annonçait la tenue d'exercices militaires avec la participation de quatre F-16 des forces aériennes...des Émirats Arabes Unis(!) Ankara répliquait par des manœuvres navales « turques et alliées », en l’occurrence un destroyer américain, et avertit qu'il y aurait, début septembre, des « exercices de tirs » non loin de Chypre. Puis ce fut au tour de « l'Initiative quadripartite de coopération » (militaire) impliquant du 26 au 28 août à nouveau la France -avec des moyens aériens et maritimes- aux côtés de l'Italie, de la Grèce et de la République de Chypre. Nouvelle escalade ? Vous n'y êtes pas : « Notre message est simple : priorité au dialogue, à la coopération et à la diplomatie » osa Florence Parly, la ministre française des Armées ! Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, n'avait manifestement pas compris le message de cette manière. Après des entretiens à Ankara et à Athènes, il énonça cette évidence: « La condition préalable aux pourparlers est la fin des manœuvres (...) Bien sûr, les parties ne s’assiéront pas à la table alors que des bâtiments de guerre se font face ».
Comment l'Union européenne pourra-t-elle arbitrer entre des options aussi différentes, voire divergentes, même si -« axe franco-allemand oblige »- l'Elysée dément toute "contradiction sur le fond" entre les deux capitales. Après un tour de table informel , le 28 août dernier, les « 27 » se saisiront officiellement du dossier...les 24 et 25 septembre ! Espérons que, d'ici-là, une étincelle malencontreuse n'aura pas mis le feu aux barils de poudre accumulés en Méditerranée orientale.