Francis Wurtz: L'EUROPE FACE À TRUMP : QUELLE PUSILLANIMITÉ !

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Chronique à retrouver dans l’Humanité- Dimanche

Face à l'indignation mondiale causée par la mort de George Floyd dans les circonstances que l'on sait, les « 27 » se sont contentés jusqu’ici de dénoncer un « usage excessif de la force » et un « abus de pouvoir », de condamner « tout acte de violence et de racisme » et d'appeler « à la désescalade des tensions ».

Rien dans ces mots, qui traduisent le faible consensus entre les États membres, ne prend la mesure du double tournant que nous sommes en train de vivre. D'abord, aux États-Unis mêmes, avec un mouvement de protestation d'une ampleur qui rappelle celle de la grande lutte pour les droits civiques des années 60. Ensuite, en Europe, avec un impressionnant courant de solidarité contre les discriminations et l’humiliation du racisme qui en dit long sur les frustrations et la colère qui grondent au cœur de nos sociétés. Les jours et les semaines à venir nous renseigneront sur la capacité de nos gouvernements à entendre enfin ces appels à des changements radicaux en matière de justice, d’égalité et de dignité.

Quant aux relations entre l'UE et son « allié historique » nord-américain, n'est-il pas plus que temps d'envisager d'en redéfinir la nature et les ambitions ? N'y-a-t-il rien à dire d'un système prétendant servir au monde entier de phare de la démocratie, quand 40 millions de citoyens, parce qu’ils sont Africains-Américains, y sont à la fois les plus pauvres et les plus précarisés du pays; les premières victimes d'emprisonnements abusifs, la communauté la plus durement touchée par le coronavirus et, en prime, celle qui court 2,5 fois plus le risque de se faire tuer par les « forces de l'ordre » que leurs concitoyens blancs ? L' « Europe » peut-elle banaliser le recours d'un Président américain -qui prétend au leadership mondial « ad vitam æternam »- aux slogans des pires suprémacistes blancs et à la menace d'en appeler à l'armée contre son peuple ? Jusqu'à quelle extrémité le « Chef du monde libre » doit-il en arriver pour que, de ce côté-ci de l'Atlantique, l'on se résigne à appeler un chat un chat et le locataire de la Maison-Blanche un danger pour son pays et pour le monde ? Si encore Trump se contentait de traiter l'UE d' « ennemi », de se réjouir de la perspective d'un « Brexit » sans accord; d'exercer un chantage économique permanent à l'égard de nos pays ; de fermer les frontières des États-Unis aux ressortissants de l'UE; d'apporter son soutien aux leaders nationalistes européens etc..., on pourrait le traiter en simple adversaire ou en concurrent malveillant. Mais, en retirant son pays de l'accord international sur le climat, en torpillant celui sur le nucléaire iranien, en jetant -et de la pire des manières- de l’huile sur le feu au Proche-Orient, en exacerbant toujours plus la guerre économique mondiale, en cessant de financer des agences vitales de l'ONU ou en sortant les USA de trois traités sur le désarmement, ce n'est pas seulement l'Europe que Trump veut disloquer, c'est le monde qu'il déstabilise ! Face à tant de périls, l’on ne peut rester neutre. Si l'Union européenne veut se montrer utile à l'humanité et reconquérir ainsi de la crédibilité et une raison d'être, voilà un défi stratégique à relever. Mais en est-elle seulement encore capable ?