La crise du logement : 4,1 millions de personnes mal logées en France
La crise du logement est trop peu présente dans le débat politique. Elle touche pourtant plus de 800 000 ménages franciliens en attente souvent depuis plusieurs années d’un logement abordable et digne (40 000 pour le territoire d’Est-Ensemble) dans un contexte dramatique d’effondrement de la production de logements publics (environ 20 000 logements sociaux agréés chaque année en Ile-de-France). Dans le même temps, le nombre de personnes sans domicile fixe ne cesse d’augmenter : avec 330 000 personnes recensées, ce nombre a doublé sur 10 ans avec une concentration importante de personnes et familles en grande exclusion sur la métropole du grand Paris. L’absence de perspective de sortie vers le logement alimente le flux de personnes et familles hébergées à l’hôtel (60 000 en Ile-de-France) dans de mauvaises conditions.
Le démantèlement du service public du logement au cœur des politiques libérales
Cette crise atteint des profondeurs inédites depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le choc de l’offre promis par le président Macron en 2017 n’aura été qu’un choc de pénurie, alimenté par le désengagement financier de l’État, de la Région et la spéculation foncière qui rendent la construction de logements publics toujours plus difficile à équilibrer. La tactique des néolibéraux est simple : asphyxier financièrement les organismes de logements HLM par une ponction (depuis 2018) sur les loyers perçus d’1,3 milliard chaque année pour les inviter à vendre leur patrimoine et démanteler à moyen terme ce service public.
Le démantèlement du service public du logement s’est accéléré avec la diminution des aides publiques au secteur du logement depuis 10 ans qui n'ont jamais été aussi basses depuis 1984, représentant 1,6 % du PIB. L'État s'est ainsi désengagé des aides à la pierre, jusqu'à la suppression totale en 2018 des crédits d'État qui leur étaient dévolus au sein du fonds national des aides à la pierre. En parallèle de la baisse des aides, le logement social a vu ses ressources réduites, avec la création de la « réduction de loyer de solidarité », alors que la TVA sur les prêts locatifs à utilisation sociale et les prêts locatifs sociaux augmentait. Enfin, le niveau élevé des taux du livret A sur lequel sont indexé les emprunts pour la construction de logements publics associé à la progression du prix des matières premières ont fortement surenchéri les coûts de construction. Finalement, c'est la capacité financière à produire des logements qui a chuté : 124 000 logements construits en 2016, environ 80 000 en 2024. En parallèle, sur les 10 dernières années, ce sont près de 15 milliards d'économies qui ont été réalisées par l'État sur son budget d'aide sociale aux locataires du logement social.
La nécessité de construire de nouveaux logements se heurte aussi parfois à la mauvaise volonté des acteurs locaux. Ce sont les maires des communes carencées, souvent dans l’ouest parisien, qui, aujourd’hui, bloquent les projets de construction et le relogement des ménages les plus en difficulté afin de garder une homogénéité sociologique de leur population. En témoigne également le nouveau Schéma Directeur de la Région Ile-de-France annoncé par Valérie Pécresse, prévoyant d’interdire aux communes comptant plus de 30% de logements publics d’en produire davantage et supprimant la totalité des aides régionales au logement dans son budget 2025.
Et ce qui est vrai pour le logement social l’est aussi pour les places en centre d’hébergements, les foyers de travailleurs migrants… La campagne anti populaire menée par les villes de droite est très forte, et relayée par l’État, accusant les villes ayant un taux important de logement social d’avoir « créé des ghettos », tout en comptant sur ces villes pour trouver des solutions au problème du logement.
Ces mesures d’austérité aggravent dangereusement la fracture sociale en Ile-de-France et la stigmatisation des quartiers populaires tout en plongeant des centaines de milliers de ménages dans la pauvreté.
Dans le même temps, en Seine-Saint-Denis, les besoins en logement public et abordable sont toujours bien présents. L’augmentation des prix à Paris à fait augmenter les prix dans toutes nos villes, particulièrement dans les quartiers où s’installe une nouvelle offre de transports. Pour un nombre plus en plus grand de foyers, louer dans le parc privé est devenu presque impossible, et acheter un appartement devient un rêve inatteignable. Face à cette crise, nous pensons particulièrement à ce que l’on appelle les « décohabitants », jeunes femmes et hommes qui ont grandi dans le logement social et ont réussi à trouver un emploi, mais pas assez rémunérateur pour louer dans le privé.
Investir dans le logement public, la volonté politiques des élu·e·s communistes
À Montreuil et à Est-Ensemble, sous l’impulsion de Patrice Bessac, et avec le soutien des maires de Bobigny, Abdel Sadi, et de Noisy-le-Sec, Olivier Sarrabeyrouse, nous organisons la résistance face au démantèlement du logement public. Avec la création en janvier 2023 d’un nouvel office public intercommunal de 28 000 logements né du regroupement des offices de Montreuil, Bondy, Bobigny et bientôt Noisy-le-Sec, nous avons constitué un pôle 100 % public de 28 000 logements qui investira sur les 10 ans à venir près d’un milliard d’euros sur la construction neuve et la rénovation du patrimoine sur le territoire d’Est Ensemble. L’enjeu est d’arriver à produire chaque année 150 logements publics en locatif et 150 logements en accession sociale à la propriété et d’engager la rénovation thermique de 40 % du parc HLM pour des logements plus qualitatifs et moins consommateurs d’énergie. A Montreuil, nous maintenons un taux de 40 % de logements sociaux malgré la spéculation immobilière. Nous tiendrons aussi nos engagements de rénovation des quartiers populaires La Noue-Clos Français et Le Morillon dans le cadre des projets de renouvellement urbain.
Mais la volonté politique des collectivités à gestion communiste ne suffit pas à inverser la crise. Le logement social, patrimoine de celles et ceux qui n’en n’ont pas, mérite un grand plan d’investissement pluriannuel permettant de relancer la construction avec un objectif nécessaire de production de 200 000 logements publics par an au plan national et l’éradication de toutes les passoires thermiques à horizon 2035. Alors que les crédits dédiés à l’écologie et à la rénovation des logements sont en baisse dans le budget de l’État, les besoins sont immenses. Exigeons des moyens supplémentaires pour élaborer de véritables plan climat en Seine-Saint-Denis mixant rénovation thermique des bâtiments, végétalisation de l’espace publique et la transformation de l’urbanisme de dalle pour adapter les cités au réchauffement climatique.
La crise du logement n’est pas une fatalité : investir demain dans la construction et la rénovation des logements dédiés aux classes populaires, aux jeunes et aux précaires est une impérieuse nécessité pour sortir des centaines de milliers de personnes de la pauvreté et améliorer les conditions de vie du plus grand nombre!
Florent GUEGUEN et Samir AMZIANE