Isabelle Taraud : "Halte à l'indécence de la distribution des dividendes en cette période!"

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La banque BNP-Paribas maintient son assemblée générale des actionnaires le 19 mai, et versera les dividendes comme prévu, en dépit de l'appel à la "modération" lancé par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Une exception ? Pas du tout, répond Isabelle Taraud. La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 vient d’être adoptée sans aucune mesure prise pour encadrer les distributions des dividendes aux actionnaires et les rémunérations des dirigeants, souligne l'avocate spécialiste en droit du travail et membre du Syndicat des avocats de France. Il pourrait néanmoins y avoir "un projet de loi incitatif pour les entreprises qui ont reçu de l'aide et qui ne pourront pas verser de dividendes", a déclaré Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, à l'issue d'une réunion téléphonique avec l'Elysée et les organisations syndicales et patronales. Lors de cette réunion de plus de deux heures, les syndicats ont demandé "des mesures de coercitions plus fermes en matière de versement des dividendes", a souligné de son côté Yves Veyrier, le numéro un de Force ouvrière. Lire ici notre compte-rendu de cette réunion.

Mars-avril-mai, c’est le printemps des actionnaires. La période où se tiennent les assemblées générales qui, dans les grandes entreprises, votent la distribution des dividendes. Cette année, pas de confinement à l’horizon en la matière. Une des ordonnances prises mercredi en Conseil des ministres introduit de nouvelles règles pour que puissent avoir lieu ces grands raouts annuels en dépit de la période de « distanciation sociale », en permettant par exemple leur tenue par visioconférence ou en huis-clos.

Un bon cru pour les actionnaires… mais avec « modération »
Pas de retenue non plus du côté des montants des dividendes versés cette année : ils promettent d’être importants puisqu’ils reposent sur l’exercice 2019, qui a été plutôt bon. Déjà l’an dernier, les entreprises du CAC 40 ont versé 49 milliards d’euros à leurs actionnaires, auxquels s’ajoutent 11 milliards sous forme de rachats d’actions. Un beau butin, en hausse 12% sur un an. Même Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, s’en était alors indigné... « Mais aujourd’hui le ministre de l’Économie Bruno Le Maire se contente "d’encourager" les  dirigeants et conseils d’administration à faire preuve "de modération", "pas forcément à renoncer, mais bien à être raisonnable" ! », s’indigne le Syndicat des avocats de France dans un communiqué.

L’Etat actionnaire renonce à ses dividendes
Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a certes annoncé ce vendredi que l’Etat allait demander aux entreprises dont il est actionnaire de ne pas verser de dividende cette année, "par solidarité" face à la crise du coronavirus. Et certains grands groupes, comme Airbus, ont renoncé cette année à distribuer des dividendes. Mais d’autres ne s’embarrassent pas de ces considérations : la banque BNP-Paribas maintient son assemblée générale des actionnaires le 19 mai, et versera les dividendes comme prévu. Le son de cloche est sensiblement le même du côté de la Société générale et de la BNP. « Scandales en perspective ! », comme l’annonce l’avocate Isabelle Taraud.