Il revient comme un refrain dans les débats publics, les plateaux télévisés ou les colonnes des réseaux sociaux : le “racisme anti-blanc”. Brandie comme une évidence, cette expression prétend renvoyer à des actes hostiles commis contre des personnes blanches. Mais derrière cette formule se cache une dangereuse confusion, souvent volontaire, entre racisme individuel et racisme systémique.
Le racisme, dans sa définition sociologique, ne se limite pas à une insulte ou à un comportement déplacé. Il ne s’agit pas simplement de haine ou de rejet fondé sur la couleur de peau. Le racisme est un système de domination, historiquement structuré, qui hiérarchise les groupes raciaux et offre aux uns le privilège d’opprimer les autres, de façon consciente ou non, visible ou insidieuse.
Dans nos sociétés marquées par l’héritage colonial, l’esclavage et les discriminations institutionnalisées, ce système repose sur une suprématie blanche. Ce sont ces fondations qui ont permis, et permettent encore, les inégalités profondes dans l’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement, à la justice. Ces inégalités ne sont pas des accidents, elles sont la conséquence d’une histoire violente, d’un ordre racial hérité, transmis et perpétué.
Face à cela, que signifie réellement l’accusation de “racisme anti-blanc” ? Elle désigne parfois des paroles blessantes, des actes isolés, des insultes. Des faits qui, bien sûr, doivent être condamnés. Mais ils ne relèvent pas d’un racisme structurel. Il n’existe pas de système oppressif organisé contre les blancs.
Parler de “racisme anti-Blanc”, c’est souvent renverser la charge. C’est refuser de reconnaître les privilèges hérités d’un ordre ancien mais toujours actif. C’est nier les luttes antiracistes actuelles en les accusant d’hostilité envers les dominants. C’est surtout vider le mot “racisme” de sa profondeur historique et politique, pour en faire une simple équation morale entre individus.
Le racisme ne se mesure pas à l’échelle de l’insulte, mais à celle du pouvoir. Déconstruire cette fausse équivalence, c’est un acte de lucidité. C’est rappeler que le combat antiraciste ne vise pas à inverser les rôles, mais à abolir les hiérarchies. À construire une société où la couleur de peau ne définit plus ni les droits, ni les chances, ni la dignité.
Et cela commence par bien nommer les choses.