Avril 2024 : 10 ans après la fermeture de l’usine PSA à Aulnay-sous-Bois, le tribunal de commerce de Bobigny met, à la demande de sa direction, MA France en liquidation judiciaire. La procédure a duré moins de trois semaines. Le Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) bâclé ne prévoit ni reclassement, ni indemnités supra légales ouvrant des perspectives pour les 280 salariés licenciés. Les 120 à 130 intérimaires travaillant sur ce site ont été jeté du jour au lendemain sans droit.
Une cessation de paiement orchestrée par le quasi unique donneur d’ordre
Acte 1 : Depuis 2003 cette usine est la propriété de la société MA France faisant partie d’une multinationale italienne: CLN. Avant 2003 cette unité de production de pièces de carrosserie automobile était un atelier de l’usine Citroën d’Aulnay. C’est la décision de PSA (aujourd’hui devenu STELLANTIS) de se séparer de cette activité d’emboutissage qui est à l’origine de la création de MA France qui a repris machines et salariés pour poursuivre la production.
« Externalisée », cette activité a continué à fournir des pièces de carrosserie à l’usine Citroën jusqu’à sa fermeture puis aux autres usines PSA/STELLANTIS. Au moment de la mise en cessation de paiement de MA France en avril dernier, plus de 80% du chiffre d’affaires était réalisé sur des commandes de STELLANTIS. Non seulement ce donneur d’ordre fournissait l’essentiel des commandes mais décidait unilatéralement du prix d’achat des pièces usinées par MA France pour son compte ! On comprend en quoi l’ « externalisation » est un choix « stratégique pour PSA/STELLANTIS » : Cela permet d’augmenter les marges du groupe sur le dos du sous-traitant. Depuis 2019, le groupe CLN avait demandé à trois reprises de réévaluer les prix de vente des pièces livrées à STELLANTIS : aucune réponse du donneur d’ordre aux trois courriers portant ces demandes.
Acte 2 : Changement de stratégie de STELLANTIS. Après l’externalisation, c’est la ré internalisation! Les commandes du quasi unique donneur d’ordre diminuent rapidement. C’est le coup fatal pour le sous-traitant et surtout les travailleurs ! Pas de reprise des salariés ! Aujourd’hui, les éléments de carrosserie sont emboutis dans d’autres usines de STELLANTIS … notamment à Poissy (78).
Pour combien de temps ? Une méga usine STELLANTIS ouvre en Turquie. Selon les syndicalistes de STELLANTIS, la direction du groupe prépare pour parachever cet acte 2, la délocalisation de cette production mais également d’autres productions réalisées par des équipementiers automobiles divers. Changement de stratégie (ré internalisation pour mieux délocaliser) mais pas d’objectif : augmenter les marges. C’est un cataclysme industriel qui est en route !
Une lutte porteuse d’enjeux multiples
La résistance des salariés de MA France illustre les multiples facettes des contradictions sociales ; sociétales et politiques de la période. Elle met en lumière des objectifs politiques pour notre Parti. Le débat organisé sur le site de l’usine occupée le 9 octobre auquel ont notamment participé Sophie Binet, Fabien Gay et Didier Mignot en ont été l’écho :
- Tout d’abord l’humanité des hommes, des femmes qui est niée par le Capital mais qui s’impose dans la résistance. Six mois de lutte, de résistance montre que la défense de la dignité est tout à la fois une fin et un moyen de mettre en cause les logiques dominantes à l’œuvre.
- La finalité de la production industrielle ne peut être la réalisation par les investisseurs de marges toujours plus importantes pour rémunérer le capital. La finalité doit être essentiellement de produire des biens utiles pour répondre aux besoins des populations.
- L’État doit avoir une stratégie industrielle démocratiquement débattue et arrêtée qui seule peut fonder l’octroi d’aides. On peut estimer que les différents dispositifs gouvernementaux d’aides aux entreprises drainent 170 à 184 milliards d’euros… qui servent pour l’essentiel à financer des stratégies décidées par les seules entreprises visant toujours l’unique rentabilité financière. Ces aides ne servent aucune stratégie industrielle mais des stratégies financières. Il en va de même de l’actionnariat de l’État dans des entreprises (l’État est actionnaire des 2 principaux constructeurs automobile français, Stellantis et Renault) : il doit être au service d’une stratégie industrielle utile du point de vue social et environnemental.
- La loi doit mieux protéger les salariés. Nos sénateurs ont déposé un proposition de loi visant à rendre responsables les donneurs d’ordre des conséquences des choix délétères sur leur sous-traitant qu’ils opèrent. Ce projet a été conçu par les travailleurs et leurs représentants de GM&S en lutte. https://senateurscrce.fr/activite-des-senateurs/nos-propositions-de-loi-et-de-resolution/article/proposition-de-loi-sur-la-responsabilite-des-donneurs-d-ordres
Des vœux de soutien aux salariés de MA France vont être déposés au conseil de territoire et conseil municipal d’Aulnay à l’initiative d’élus communistes.
N'est-il pas urgent de décliner concrètement ses objectifs politiques en initiant avec les salariés et citoyens usagers/consommateurs des démarches de rassemblement inédites.
Le 17 octobre les salariés toujours en lutte de MA France seront avec les travailleurs de la filière automobile dès 9 heures porte de Versailles à l’ouverture du Salon de l’automobile… Des communistes d’Aulnay, aussi!
Jean-Marie TOUZIN
section d'Aulnay-sous-Bois